Château du Charmieux Château

Depuis 1910, un édifice un peu étrange s'élève dans le petit village de Serrières-de-Briord, sur les bords du Rhône. C'est le château du Charmieux (dit aussi château Rouveure), dont il ne reste aujourd'hui que cette carcasse vide et ouverte à tous les vents. Pour la petite histoire : en 1908, M. Claude Boucharlat, patron de l'usine de tulles de soie du village, lance la construction de ce château à quelques centaines de mètres de la manufacture qu'il dirige. Boucharlat correspond à bien des égards, à la caricature du patron de l'époque : cliché vivant de la bourgeoisie catholique, à la tête d'une très nombreuse famille (15 enfants quand même, s'il vous plaît !)... et pas franchement chrétien dans la pratique, si ce n'est pour la vitrine sociale. En tant que patron, l'histoire locale le dépeint comme un despote arrogant, cupide et inflexible à l'égard de ses ouvriers... qui finissent par lui tenir tête, par le biais d'une grève qui va durer pas moins de 15 mois. En mars 1910, Boucharlat est assigné au conseil de prud'hommes, tandis que son usine est mise en liquidation judiciaire par le Tribunal de Commerce de Lyon. Acculé, il quitte précipitamment Serrières-de-Briord, emmenant femme et enfants avec lui. Il fera fortune ailleurs, avant de s'éteindre en 1952, à l'âge de 82 ans. Au moment de son départ dans l'urgence, il abandonne également le château qu'il se faisait construire sur la commune : sa folie des grandeurs lui aura coûté cher, et il n'en profitera même pas. La construction s'arrête en 1910, et elle ne reprendra jamais. La bâtisse était presque terminée : seules manquaient la toiture et les menuiseries extérieures, dont les matériaux entreposés sur place seront rapidement dérobés ensuite. Vendu aux enchères publiques en 1914 pour la modique somme de 30 000 francs de l'époque, le château inachevé trouvera bien un acquéreur : mais la guerre qui se profile au loin scelle pour toujours le sort de ce monstre d'orgueil... Aujourd'hui, il n'en reste qu'une coquille vide, rattrapée par la végétation. Un squelette de château, sans chambres ni salons, sans planchers, sans toits : juste des murs percés de fenêtres béantes, ouvertes sur le vide ; des portes qui ne mènent nulle part. Le tout, hérissé de pignons intérieurs et de hautes cheminées qui n'ont jamais servi. Sans oublier l'allée centrale constituée de deux grandes rangées d'arbres, qui part d'un côté du château et vient se heurter à la haie qui ferme le terrain. Le bâtiment qui abritait l'usine de tulles existe toujours à proximité, reconverti à une activité différente. Désormais au-delà de toute possibilité de sauvetage, le château inachevé du Charmieux est sans doute la curiosité la plus singulière du village. ATTENTION : ÉTANT ENCLAVÉ DANS UN CHAMP APPARTENANT À UN PROPRIÉTAIRE PRIVÉ, L'ÉDIFICE EST INACCESSIBLE. ON NE PEUT LE VOIR QUE DEPUIS LE CHEMIN QUI LE CONTOURNE.